lundi 15 octobre 2012

Un dernier salon avant la fin du monde !

Le dernier salon avant la fin du monde, dénomination cocasse pour un salon qui en réalité n’est qu’une foire aux livres !

La fin du monde annoncée pour le 21 décembre 2012 n’est ma chère cousine qu’un vulgaire canular qui hante les esprits les plus crédules avides d’apocalypse. La participation à un salon du livre y faisant allusion était pour notre cousin une idée séduisante.

Ainsi, au début de cette année, il posta allégrement son bulletin d’inscription au grand argousin de cette manifestation au château de Crangeat, sans omettre de joindre à ce pli une lettre de change en paiement des frais de bouche et d’un droit de place de plusieurs écus. Entre nous, ma chère cousine, ce droit est peu usité de nos jours, mais le nombre élevé de visiteurs annoncés laissait présager de nombreuses rencontres et autres discussions avec de futurs lecteurs. Comme vous le savez, c’était aussi l’occasion pour notre cousin de présenter son nouveau roman publié depuis quelques semaines.
Peu avant l’été, il commençât néanmoins à avoir quelques doutes sur la notoriété de ce salon. Plusieurs échos défavorables lui ont été rapportés par des confrères et consœurs ayant participé à de précédentes éditions. Si l’enthousiasme et le succès étaient de mise au début, le nombre de visiteurs décroisse chaque année.

Des salons, il en fleuri en de nombreuses paroisses. La crise est là, bien présente, et l’inquiétude est grandissante dans les foyers depuis l’arrivée au pouvoir des jacobins au printemps dernier. Certes, ceux-ci ont une affection particulière pour tout ce qui touche à la Culture, mais ce n’est pas cette Culture qui nourrit et remplit les assiettes ; la morosité sera de rigueur pour les prochaines saisons, de nouvelles taxes seront imaginées pour tenter de remplir les caisses du Trésor, la pérennité des emplois n’est hélas garantie que pour les ronds de cuir de l’état souverain.


Mais revenons, ma cousine à ce salon. Tôt le matin, cette journée ne s’annonçait pas sous de bons auspices. Une pluie battante tout au long du long trajet, un ciel bas et sombre. Notre cousin trouva sans difficulté les lieux, les pavois placés de loin en loin balisaient le chemin du château depuis la sortie de la voie de grande circulation.




Point de majordome à l’accueil, notre cousin parcouru à longues enjambées la grande salle où étaient alignées de nombreuses tables, sur le pourtour, sur plusieurs rangées au milieu de celle-ci. Ayant comme il le dit souvent un bon « nez », il trouva rapidement la table qui lui était destinée. Située dans le fond, l’emplacement permettait une large vision de chaque côté, en face se trouvait la porte par laquelle devait entre les visiteurs. Le démarrage est toujours calme, mais peu à peu, les visiteurs arrivaient par vagues successives, déambulant entre les allées, regardant furtivement ces étranges personnages proposant leurs écrits. Ils passent, mais ne s’arrêtent guère, ont-ils la crainte d’attraper une quelconque maladie … Pour un auteur, ma chère cousine, l’absence d’échanges et de discussions est une grande frustration. Une rencontre avec les lecteurs est un moment privilégié avec des inconnus sur différents sujets. Que cette discussion aboutisse par la dédicace d’un ouvrage est certes un but, mais le plus important, c’est l’échange. Mais ici, à Crangeat, rien, ou presque rien. Un sentiment désagréable d’être comme les « bêtes » que l’on va voir à la foire de Bourg-en-Bresse ou au parc zoologique de Touroparc. L’on peut aisément supposer les propos avancés par un patriarche à sa maisonnée : « Ma douce amie, mes enfants, après la messe, allons voir les écrivains au dernier salon du livre, ça nous fera notre sortie dominicale ! ».

Installés à des lieux de passage stratégique, les stands des libraires étaient bien placés. Leur renommée et le choix de leur étal ont capté le chaland, et ce sont eux, ma chère cousine, qui tirèrent leur épingle du jeu en réalisant de bonnes affaires sonnantes et trébuchantes.

Notre cousin n’est pas rentré bredouille. Il ne retournera point au château de Crangeat.

L’an de grâce 2012 lui aura permis de tester des salons extérieurs à nos contrées, l’an prochain il ne participera qu’à ceux situés dans notre province du Lyonnais.

Vale,
Votre cousin qui vous aime, Henri
Voir en ligne : Les Bleuets de l’été